Par le 19 octobre 2020

L’attention : qu’est-ce que c’est ?


L’attention est une capacité indispensable au fonctionnement cognitif global. En effet, elle constitue un prérequis à la mémorisation, la pensée, l’exécution et plus généralement à l’apprentissage.


Porter attention revient à « tourner son esprit vers » quelque chose. Cette habileté est définie comme étant une tension de l’esprit vers un objet, à l’exclusion de tout autre.


La notion de sélection est donc d’emblée sous-jacente à celle d’attention. En 1996, Camus présente l’attention comme étant un ensemble de processus et d’opérations mentales. Ainsi, l’attention se voit attribuer des spécificités, des formes différentes. Différents phénomènes attentionnels existent, comme la sélection de l’information, la focalisation de l’attention, la mobilisation de ses ressources pour maintenir un état de concentration ou encore la résistance à la distraction.


Posner en 2016 distingue deux natures au concept d’attention : endogène ou exogène. L’attention endogène provient du choix de l’individu de porter volontairement son attention sur quelque chose alors que l’attention exogène est un processus involontaire et automatique puisqu’elle se manifeste lorsque l’attention est attirée par un élément qui se distingue des autres de par sa nature ou sa forme.


Camus, toujours en 1996, observe également que l’efficience attentionnelle n’est pas la même d’un jour à l’autre ou au cours d’un même journée, chez un même individu. En réalité, elle diffère selon les tâches et les situations.


Les différentes formes d’attention


Les processus attentionnels dépendent de plusieurs zones spécifiques du cerveau, comme les aires frontales droites et le gyrus cingulaire. Il existe plusieurs formes d’attentions, dépendantes ou indépendantes les unes des autres. Nous allons présenter l’attention soutenue, l’attention focalisée, l’attention partagée.


L’attention soutenue est la capacité à maintenir volontairement son attention de façon prolongée et efficace sur une tâche d’une durée de 10 à 30 minutes, en excluant tous les distracteurs. En effet, Mackworth, en 1960, démontre par le biais de l’expérience de l’Horloge, que l’attention soutenue décline nettement après trente minutes. Il est donc étayé scientifiquement que ce type d’attention peut être considéré comme efficace durant une vingtaine de minutes tout au plus.. Au niveau cérébral, c’est principalement le cortex limbique qui régule l’attention soutenue. Très souvent, les sujets impulsifs ou hyperactifs ont du mal à maintenir leur attention de façon volontaire dans le temps.


L’attention focalisée, aussi appelée attention sélective, consiste à inhiber volontairement tout ce qui nous entoure pour porter notre attention sur un élément en particulier. Il s’agit de répondre spécifiquement à un seul stimulus. Il est important de devoir sélectionner les informations à traiter car les capacités de traitement de l’information est limité, et que notre environnement nous confronte en permanence à une quantité d’informations que notre cerveau ne peut pas traiter. Broadbent explique que l’attention focalisée sélective fonctionne grâce à un filtre permettant la sélection des informations pertinentes et qu’un traitement séquentiel s’opère suite à cette sélection afin de parvenir à mener à bien la tâche en cours. Cowan en 2001 a déterminé qu’il nous était possible de traiter simultanément quatre éléments. Au-delà de ce chiffre, le traitement attentionnel n’est plus garanti.Au niveau cérébral, c’est principalement le thalamus et le pulvinar qui régulent l’attention sélective. L’attention visuospatiale est une forme particulière d’attention sélective focalisée, nécessaire dans le repérage d’une cible en explorant l’espace. Pour procéder, le sujet doit être en mesure d’engager son attention sur une cible puis la déplacer sur une nouvelle cible en désengageant son attention de la cible précédente. Au niveau cérébral, c’est principalement la région pariétale postérieur et l’hémichamp visuel opposé qui régulent l’attention visuospatiale. Les sujets présentant des difficultés d’inattention éprouvent de grandes difficultés pour mobiliser l’énergie nécessaire à la sélection de l’information.


L’attention partagée, aussi appelée attention divisée, est définie comme étant une répartition attentionnelle sur plusieurs éléments différents, de façon simultanée. Cette forme d’attention ne peut être efficace que si l’une des deux tâches réalisées est automatisée. Le cas échéant, les ressources attentionnelles étant limitées, les traitements cognitifs de l’information ne peuvent pas être réalisés efficacement.De même, si les deux tâches réalisées en simultannée sont de modalités sensorielles différentes, alors l’attention divisée sera plus aisée et efficace. Attention néanmoins à certains automatismes qui peuvent créer des interférences comme dans la tâche de Stroop, qui consiste à inhiber la lecture, qui est un processus automatique, au profit de la couleur dans laquelle est rédigée le texte de lecture.


L’intervention du neuropsychologue


Évaluer les différentes formes d’attention est important puisque cela permet de cibler les difficultés rencontrées par l’enfant, qu’il soit TDAH ou dysexécutif, à l’école, ou par l’adulte dans sa vie active. Pour cela, le neuropsychologue dispose de plusieurs échelles d’évaluation spécifiques à chaque forme d’attention. Les tests sont standardisés sur un large panel de participants et permettent de quantifier le trouble afin de le prendre en charge de façon efficiente.


Il existe différents protocoles de remédiation cognitive pour pallier à ces troubles, notamment via le jeu pour les enfants. Cette dimension ludique permet de garder l’enfant motivé et d’atténuer l’aspect potentiellement difficile de la remédiation. Rééduquer l’attention d’un enfant présentant des troubles attentionnels revient à lui permettre de pouvoir continuer à suivre un cursus normal à l’école et à rester au niveau de ses camarades.


La batterie TEA-CH (Test of Everyday Attention in Children)


Au cabinet, je réalise la batterie TEA-CH, reconnue comme une batterie de référence dans les troubles attentionnels, afin d’évaluer les différentes formes d’attention afin de confirmer ou d’infirmer une hypothèse de TDAH. L’évaluation porte également sur plusieurs autres aspects, comme la modalité sensorielle de traitement (verbal ou non verbal), le canal d’entrée (auditif ou visuel), la forme du traitement (séquentiel ou simultané) et sa nature (auditivoverbal ou visuelle), l’empan mnésique, la mémoire de travail (boucle phonologique et calepin visuospatial) et la sensibilité à l’interférence.


Cette batterie est standardisée chez l’enfant allant de 6 ans à 17 ans, en prenant en considération le genre auquel l’enfant appartient. Elle est déclinée en deux versions : A et B, permettant le test et retest afin d’évaluer par exemple la progression de l’enfant d’une année sur l’autre ou bien l’efficacité d’un traitement médicamenteux. Elle évalue plusieurs domaines : les formes d’attention sélective, soutenue (mesurant également la résistance à l’ennui) et divisée, ainsi que les fonctions exécutives : la mémoire de travail, la flexibilité et l’inhibition d’une réponse orale ou motrice.

Cette forme d’évaluation de l’attention comporte 9 sous tests complémentaires.


Recherche dans le ciel : dans cette épreuve, l’objectif est de repérer des paires de vaisseaux identiques sur une planche A3, le plus rapidement possible, et en évitant d’entourer les distracteurs (paires de vaisseaux non identiques).

L’intérêt est porté sur le temps requis pour réaliser une tâche d’attention sélective en modalité visuelle, sur la qualité de l’attention et pour la vitesse de traitement. Cela permet notamment de déterminer s’il existe une certaine l’impulsivité ou du perfectionnisme chez l’enfant évalué.

Ce sous test prend en considération la maladresse motrice et permet de l’isoler des fonctions évaluées. La note d’attention peut être impactée négativement par plusieurs facteurs, notamment la lenteur d’exécution, qui pourrait être expliquée par des troubles praxiques, un déficit attentionnel ou un problème d’organisation dans l’espace.


Coups de fusils : Un enregistrement audio est lancé et l’objectif de cette épreuve est de compter des séries de coups de fusils dans sa tête, sans les doigts et sans support visuel. Ces coups de fusils sont présentés à un rythme aléatoire et l’épreuve dure plus de cinq minutes sans discontinuer.

L’intérêt est porté sur la qualité de l’attention soutenue en modalité auditive. Il y a beaucoup d’irrégularité tout au long de l’épreuve, permettant de mesurer avec précision l’attention soutenue.


Extra-terrestres : Dans cette épreuve, l’objectif est de compter des cibles visuelles en ordre parfois croissant et parfois décroissant, en respectant le sens des flèches présentées.

Plusieurs éléments sont évalués lors de ce sous test, notamment le contrôle attentionnel, la sensibilité à l’interférence, la mémoire de travail, la flexibilité cognitive et l’attention soutenue. La fatigabilité de l’enfant peut également être estimée. Ce sous test est un excellent indicateur de la bonne efficience des fonctions d’autorégulation mentale.


Faire deux choses à la fois : Dans cette épreuve, l’objectif est d’écouter des séries de coups de fusils en même temps que l’on recherche des paires de vaisseaux sur une planche A3 avec distracteurs (des fausses paires de vaisseaux)

Ce sous test permet d’évaluer l’attention divisée et soutenue en modalité auditive et visuelle.


Carte géographique : l’objectif est de repérer sur une carte géographique, un maximum de symboles identiques à celui proposé par l’examinateur. Cela permet d’évaluer les capacités d’attention visuelle sélective, la planification de l’exploration visuelle et la discrimination de la perception de la figure sur le fond désordonné et riche de la planche.


Écouter deux choses à la fois : Dans cette épreuve, il s’agit d’écouter un enregistrement auditif comportant en même temps une courte présentation d’un fait divers dans lequel le nom d’un animal s’est glissé, et des coups de fusils. L’objectif est de compter le nombre de coups de fusils mais aussi de pouvoir donner le nom de l’animal évoqué à la fin des quelques secondes d’enregistrement.

L’attention divisée est alors évaluée, ainsi que la résistance à l’interférence.


Marche-Arrête : Dans cette épreuve auditive, l’objectif est de réussir à inhiber une routine motrice à l’écoute d’un signal sonore. Il s’agit d’une épreuve qui évalue à la fois l’attention soutenue en modalité auditive, mais également l’inhibition motrice.


Mondes contraires : dans ce subtest, il y a des mondes « à l’endroit » et des mondes « à l’envers ». Dans le monde « à l’endroit », l’enfant lit les chiffres qu’il soit (1 ou 2). Dans le monde contraire, l’enfant doit lire 1 quand il voit 2 et lire 2 quand il voit 1. Les temps mis pour réaliser ce test nous permettent d’évaluer la flexibilité mentale, l’inhibition et la vitesse de traitement cognitive.


Transmission de codes : dans cette épreuve, il s’agit d’écouter un enregistrement auditif comportant en même temps une courte présentation d’un fait divers dans lequel le nom d’un animal s’est glissé, et des coups de fusils. L’objectif est de compter le nombre de coups de fusils mais aussi de pouvoir donner le nom de l’animal évoqué à la fin des quelques secondes d’enregistrement. L’attention soutenue et la mémoire de travail sont évaluées.


Par BENARD-BONNET Morgane

Psychologue – Neuropsychologue

Numéro ADELI : 919319160